Le Black Hungarian est un cultivar de piment de l’espèce Capsicum annuum à l’histoire riche et ancienne. Il est largement admis que cette variété est d’origine hongroise, plus précisément de la ville de Kiskunfélegyháza située au cœur de la Grande Plaine hongroise.
D’après certaines sources, le Black Hungarian aurait été cultivé en Hongrie dès le 16e siècle, ce qui en ferait l’un des plus anciens piments locaux. Il est d’ailleurs parfois surnommé en hongrois « Fekete Szentesi Paprika », littéralement “paprika noir de Szentes”, du nom d’une région voisine connue pour sa production de piments.
Au fil des siècles, ce piment noir a été transmis de génération en génération comme une variété patrimoniale (heirloom) dans les potagers hongrois. Son usage initial en Hongrie était probablement ornemental : pendant de longues périodes, les paysans hongrois cultivaient les piments pour la décoration, appréciant la beauté des fruits colorés et la rusticité de la plante, avant d’en faire une épice de premier plan en cuisine aux 18e - 19e siècles. La renommée du Black Hungarian a progressivement dépassé les frontières de la Hongrie.
De nos jours, on le retrouve cultivé dans de nombreux pays – on rapporte par exemple sa présence en Ukraine ou en Afrique du Sud – reflétant sa diffusion par les collectionneurs de variétés anciennes et les jardiniers du monde entier.
Cette expansion internationale relativement récente (fin du 20e siècle) a fait du Black Hungarian l’un des piments à fruits noirs les plus connus des amateurs, souvent décrit comme le « piment noir le plus célèbre au monde » dans sa catégorie.
Le Black Hungarian est une variété de Capsicum annuum aux traits botaniques bien caractérisés. La plante forme un buisson de taille moyenne, atteignant généralement de 60 à 90 cm de hauteur, avec un port dressé et ramifié. Le feuillage est vert foncé et présente la particularité d’être veinuré de pourpre, signe de la présence de pigments anthocyaniques jusque dans les feuilles. Les fleurs, typiques de l’espèce C. annuum, ont cinq pétales et arborent une teinte violette remarquable au lieu du blanc habituel, en raison des mêmes pigments anthocyaniques accumulés dans les tissus floraux.
Les fruits du Black Hungarian sont de forme conique allongée, rappelant la silhouette d’un petit jalapeño. Ils mesurent environ 5 à 10 cm de long pour 2 à 3 cm de large, avec un apex pointu et des épaules arrondies. À l’état immature, le péricarpe est d’un vert sombre masqué en grande partie par une pigmentation violet-noir très intense. En mûrissant, la couleur évolue du noir violacé (stade intermédiaire) vers un rouge profond à pleine maturité. La peau du fruit est lisse et luisante, relativement épaisse et ferme. À maturité botanique (stade rouge), le fruit contient à l’intérieur une cavité placentaire modérément remplie de graines crème aplaties, comme c’est le cas pour la plupart des piments.
Sur le plan phénologique, le Black Hungarian est une variété de mi-saison adaptée aux climats tempérés à étés chauds. Sa durée de maturation est d’environ 70 à 80 jours après transplantation en pleine terre. Cette précocité relativement courte est cohérente avec son origine d’Europe centrale, où la saison de croissance est limitée par des étés de longueur modérée. Par ailleurs, le Black Hungarian est une variété à pollinisation libre (non hybride) et stable, ce qui signifie que les semences produites conservent fidèlement les caractéristiques variétales d’une génération à l’autre – un trait précieux pour un cultivar ancien.
La couleur noir violacé des fruits immatures du Black Hungarian est due à l’accumulation d’anthocyanines, des pigments flavonoïdes, dans les tissus externes du fruit. Plus précisément, on a identifié que la principale anthocyane présente chez les piments pourpres est un dérivé de la delphinidine (par exemple la delphinidine-3-O-(p-coumaroyl)-rutinoside-5-glucoside) qui confère ces teintes allant du violet au presque noir. Ces pigments sont stockés dans les vacuoles des cellules du péricarpe (notamment dans les 5 à 6 couches de cellules sous l’épiderme du piment) et peuvent, à forte concentration, donner visuellement une couleur noire aux organes qui en sont saturés.
D’un point de vue génétique, la capacité à synthétiser et accumuler des anthocyanines dans les feuilles, fleurs et fruits est contrôlée principalement par un locus autosomique dominant appelé locus A. Le gène A code un facteur de transcription de la famille MYB (un régulateur de la biosynthèse des flavonoïdes) dont l’allèle dominant permet l’activation de la voie métabolique des anthocyanes dans divers organes du plant de piment. Ainsi, les cultivars comme Black Hungarian possèdent au moins une copie dominante de ce gène, ce qui se traduit par une pigmentation pourprée des tiges, du calice floral, des pétales et du fruit immature. À l’inverse, les variétés de Capsicum annuum dépourvues de cet allèle (génotype aa) restent vertes (sans pigmentation anthocyanique) dans leurs parties végétatives et sur les fruits non mûrs. Notons que l’expression de ces pigments est incomplètement dominante – le degré de coloration peut varier selon que la plante est homozygote ou hétérozygote pour le gène A, les homozygotes manifestant souvent une teinte encore plus soutenue.
Outre le contrôle génétique, les facteurs environnementaux influencent fortement l’intensité de la pigmentation noire. La lumière en particulier joue un rôle déclencheur dans la production d’anthocyanes. Des études ont montré qu’une exposition prolongée à une lumière intense accroît significativement la teneur en anthocyanines des fruits de piments pourpres. Par exemple, sous une illumination continue pendant 7 jours, la concentration d’anthocyanes (mesurée principalement sous forme de delphinidine-3-glucoside) atteint un maximum dans le fruit. À l’inverse, une culture à l’ombre ou sous faible luminosité réduit l’expression de la coloration pourpre. De plus, la synthèse des anthocyanines tend naturellement à décroître lorsque le fruit approche de sa maturité complète : on observe souvent qu’au stade rouge final, une partie des anthocyanes s’est dégradée ou bien est masquée par les pigments caroténoïdes rouges (capsanthine, capsorubine) synthétisés en fin de maturation, ce qui explique que le fruit mûr apparaisse rouge vif malgré la présence initiale de pigments noirs à mi-parcours de son développement.
Bien que visuellement associé à des piments très forts (la couleur sombre pouvant évoquer des variétés “sauvages” piquantes), le Black Hungarian n’est pas un piment extrêmement brûlant. Il appartient à la catégorie des piments modérément piquants. Sa capsaïcine, le principal alcaloïde responsable de la sensation de piquant, est présente en quantité mesurée. Sur l’échelle de Scoville, on estime généralement que Black Hungarian titre entre 2 500 et 10 000 unités Scoville (SHU) environ. Cette plage de force le place dans un registre proche de celui d’un piment jalapeño, auquel il est souvent comparé : assez fort pour être ressenti nettement, mais loin des ardeurs extrêmes des piments Capsicum chinense comme les habañeros. Certaines sources indiquent plus spécifiquement une valeur médiane autour de 5 000 à 8 000 SHU, ce qui correspond au bas-moyen de l’échelle des piments forts. À l’opposé, quelques observations rapportent des intensités plus faibles (de l’ordre de 1 000–2 500 SHU) dans certains contextes culturaux, soulignant que le piquant peut varier.
En effet, les conditions de culture influencent notablement la teneur en capsaïcine dans les fruits de Capsicum annuum. Le même cultivar Black Hungarian pourra être plus ou moins piquant selon l’environnement et les soins culturaux. Il est bien documenté que le stress hydrique modéré augmente la concentration de capsaïcine : des plants soumis à un manque d’eau contrôlé synthétisent davantage de capsaïcine, probablement par réaction de défense, rendant les piments plus forts. À l’inverse, un arrosage excessif et continu tend à diluer la force des piments, ceux-ci restant plus doux en raison d’une moindre stimulation de la voie de biosynthèse des capsaïcinoïdes. De même, une fertilisation inadéquate (carences en azote, potassium, etc.) peut indirectement influer sur la piquant, en affaiblissant la plante et sa capacité à produire ces composés piquants.
Un autre facteur de variation est le stade de maturité à la récolte. Empiriquement, il a été constaté par des cultivateurs que les fruits Black Hungarian récoltés tôt, au stade noir violacé (immature), peuvent paraître plus piquants que ceux récoltés à pleine maturité rouge. Cela pourrait s’expliquer par une légère diminution de la concentration en capsaïcine lors des dernières phases de maturation ou par la montée en sucre et en arômes doux qui vient équilibrer la saveur au stade rouge. Quoi qu’il en soit, à maturité rouge le Black Hungarian reste d’une ardence modérée, suffisante pour être utilisé comme piment relevé mais généralement bien tolérée par un large public.
Climat : Originaire de Hongrie, le Black Hungarian est adapté aux climats continentaux modérément chauds. La Hongrie bénéficie d’étés ensoleillés et relativement secs sur la Grande Plaine ; ces conditions favorisent la culture des piments en plein champ, à condition de disposer d’une saison de croissance suffisamment longue. Typiquement, on sème les graines à l’abri en fin d’hiver (en serre, châssis ou à l’intérieur) étant donné que les piments, plantes gélives, ne supportent pas le gel printanier. Les jeunes plants sont repiqués en terre après les dernières gelées, souvent vers mai dans le contexte hongrois. Le Black Hungarian, comme la plupart des C. annuum, exige une exposition en plein soleil pour bien fructifier. En été, les températures chaudes (25–30 °C le jour) lui conviennent parfaitement, et il tolère même des pics de chaleur plus élevés du moment que le sol reste adéquatement humide. La floraison intervient en début d’été lorsque la température nocturne dépasse ~15 °C, et la fructification se poursuit jusqu’aux premiers froids automnaux.
Sol : Traditionnellement, ce piment était cultivé dans les sols riches et bien drainés des potagers hongrois. Les régions de Kalocsa et Szeged, haut-lieux historiques de la culture du paprika en Hongrie, offrent des terres alluviales et tchernozioms fertilement noirs, propices aux solanacées. De manière générale, Capsicum annuum prospère dans un sol léger à franco-sablonneux, riche en humus, avec un pH neutre à légèrement acide (aux alentours de 6,5). Les paysans ajoutaient volontiers du fumier ou du compost avant la plantation pour assurer une nutrition abondante en azote, potasse et oligo-éléments durant la saison. Le Black Hungarian ne fait pas exception : un sol amendé en matière organique lui fournit les nutriments nécessaires à sa croissance vigoureuse et à la production de nombreux fruits.
Techniques culturales : Historiquement, les méthodes culturales du Black Hungarian étaient similaires à celles des autres variétés de paprika hongrois. Après repiquage, les rangs de piments étaient binés et sarclés régulièrement pour éliminer les adventices et ameublir la couche superficielle du sol. En dépit d’une certaine tolérance à la sécheresse, des arrosages réguliers mais modérés étaient pratiqués en l’absence de pluie, car un léger stress hydrique contrôlé peut être bénéfique (comme mentionné plus haut) mais une sécheresse excessive risquerait de réduire les rendements. Dans la plaine hongroise, l’irrigation d’appoint était traditionnellement effectuée à la raie ou à l’arrosoir. Par ailleurs, on savait que les piments apprécient une atmosphère assez chaude et peu humide : de fait, cultiver sur buttes ou planches surélevées était une astuce pour améliorer le drainage et réchauffer le sol plus vite au printemps. Le Black Hungarian, robuste, n’exige pas de tuteurage lourd du fait de sa taille modérée (environ 70 cm de haut). Toutefois, en pleine production, le poids des fruits peut entraîner un affaissement des branches ; ainsi, les cultivateurs installaient parfois de petits tuteurs ou des cages à tomate pour soutenir les tiges chargées de piments, surtout en cas de vents forts.
Sélection et conservation : En tant que variété paysanne ancienne, Black Hungarian a fait l’objet d’une sélection empirique par les jardiniers au fil du temps. Les cultivateurs conservaient les plus beaux fruits à graine sur le plant jusqu’à complète maturité rouge, puis les faisaient sécher afin d’en extraire les graines pour la saison suivante. Cette sélection massale a permis de maintenir la pureté variétale et l’adaptation locale du cultivar. Sa popularité en Hongrie tient autant à son intérêt culinaire (pour relever modérément des plats, sans atteindre la force des piments trop ardents) qu’à son aspect ornemental au jardin. En effet, un champ ou un jardin planté de Black Hungarian est visuellement attractif : le contraste des fruits noir brillant puis rouge vif parmi le feuillage vert-pourpré et les fleurs violettes crée un tableau apprécié des maraîchers.